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La multiculturalitĂ©, mythe ou rĂ©alitĂ© ?Date de publication : 19-12-2010 ![]() Le dĂ©bat pour la multiculturalitĂ© organisĂ© par certaines formations politiques n’a pas tardĂ© Ă dĂ©voiler son vĂ©ritable visage. En effet, il s’est, très vite, transformĂ© en un appel Ă la chasse Ă la citoyenne portant le foulard. Les promoteurs de cette vision biscornue n’hĂ©sitent pas sur les moyens Ă utiliser pour arriver Ă leur fin ; pourquoi pas aller jusqu’à la Constitution et toucher aux libertĂ©s fondamentales qu’elle prĂ©voit, parmi lesquelles la libertĂ© de culte et de son exercice tant public que privĂ© ?! Ce 15 novembre 2010, le comitĂ© de pilotage de ces assises a rendu public son rapport. DiffĂ©rentes recommandations raisonnables, constituant un certain compromis dans le sens de l’amĂ©lioration de la coexistence des diffĂ©rentes cultures, ont Ă©tĂ© Ă©mises. Les levĂ©es de boucliers contre ce projet n’ont pas tardĂ© Ă se manifester. Des voix se sont Ă©levĂ©es pour revendiquer le maintien du système actuel de « castes » parmi la population et mĂŞme des pĂ©titions circulent en ce sens. Après une annĂ©e entière d’observation, le verdict est sans appel : il y a beaucoup trop de racisme en Belgique. C’est ce qui ressort de la dĂ©claration explicite de Marie-Claire Foblets, professeur Ă la KUL et co-prĂ©sidente du ComitĂ© de pilotage « InterculturalitĂ© » : « Ce que les Assises nous ont permis de faire, c’est d’écouter beaucoup de personnes et ce qui ressort, et c’est un tĂ©moignage très dur que je vais faire, c’est qu’il y a encore beaucoup trop de racisme ». Si la professeure ne s’est rendu compte de cette rĂ©alitĂ© regrettable qu’après une enquĂŞte neutre et motivĂ©e, les victimes, essentiellement musulmanes, la vivent continuellement dans leur chair et dans leurs os. La stigmatisation permanente des valeurs et des coutumes musulmanes de la part des media a fait naĂ®tre, dans notre environnement, une sociĂ©tĂ© ghettoĂŻsĂ©e qui va Ă contre sens du monde moderne. Les nouveaux modes de vie tels le multiculturalisme et la mondialisation, nĂ©s de l’entrĂ©e en scène des nouvelles technologies ayant rĂ©volutionnĂ© notre monde et fait de celui-ci un village très Ă©troit, ont crĂ©Ă© chez ces rĂ©fractaires la nostalgie du Moyen-âge avec ses guerres de religions. Beaucoup trop de racisme, vous dites ? Ceci est un fait reconnu de tous et personne aujourd’hui ne peut ignorer. N’est-il pas l’un des faits marquants qui caractĂ©risent notre pays et qui est en train de provoquer sa dĂ©sintĂ©gration ? L’existence des diffĂ©rentes institutions spĂ©cialisĂ©es en la matière telles que le MRAX ou le Centre de l’EgalitĂ© des Chances et de la Lutte Contre le Racisme, de mĂŞme que la publication rĂ©gulière des diffĂ©rents rapports faisant Ă©tat des discriminations permanentes Ă l’encontre de certaines catĂ©gories particulières de la population, essentiellement en matière d’études et d’emploi, en sont-elles pas des preuves irrĂ©futables ? Si durant les annĂ©es trente et quarante il Ă©tait dur d’être juif en Europe, aujourd’hui c’est le musulman qui reprend ce triste sort. Celui-ci est toujours assimilĂ© Ă l’étranger qui « doit retourner Ă son pays », Ă l’immigrĂ© qui « doit s’intĂ©grer » et tantĂ´t au fainĂ©ant qui ne veut pas travailler et qui ne fait que profiter des allocations sociales et tantĂ´t Ă celui qui prend le travail des autres citoyens . Si la plupart des musulmans des annĂ©es soixante Ă©taient des immigrĂ©s, ce n’est plus le cas pour ceux des gĂ©nĂ©rations suivantes qui sont nĂ©s ici, qui y ont fait des Ă©tudes et qui participent Ă la vie socio culturelle et Ă©conomique comme tout autre citoyen. Les dĂ©clarations ces dernières semaines, par certaines hautes personnalitĂ©s belges et europĂ©ennes, de l’échec de la multi culturalitĂ© ne peuvent qu’inciter Ă la prudence et Ă plus d’éclaircissements. Quelle est la signification de cet Ă©chec ? Quelles en sont les causes ? A qui incombe la responsabilitĂ© ? Et quels remèdes faudrait-il apporter afin d’aboutir au succès du multiculturalisme escomptĂ© ? Pour apporter un dĂ©but de rĂ©ponse Ă la dernière interrogation, les Assises de l’InterculturalitĂ© sus-indiquĂ©es avaient Ă©mis certaines propositions que nous espĂ©rons soient suivies d’application. Ces « bonnes volontĂ©s » seront-elles suffisantes pour apporter la sĂ©rĂ©nitĂ© et la paix sociale au sein de notre sociĂ©tĂ© ? Au vu de la gravitĂ© de la situation, il est bien difficile de rĂ©pondre par l’affirmative tant qu’on n’a pas traitĂ© le mal Ă la racine. L’éducation, tant scolaire que mĂ©diatique, est loin de former des esprits ouverts et tolĂ©rants. D’ailleurs, mĂŞme en faisant abstraction de son hostilitĂ© Ă certaines communautĂ©s, notre enseignement qui se retrouve rĂ©gulièrement sur la sellette au sujet de ses performances, est-il, encore, en mesure de former de vrais cadres capables de prendre les commandes d’un navire qui chavire de plus en plus? Les enquĂŞtes internationales (PISA et autres) ont forcĂ© nos dirigeants Ă la reconnaissance de la dĂ©ficience de notre système d’enseignement. Que les programmes de celui-ci soient adaptĂ©s Ă la nouvelle rĂ©alitĂ© du monde, pour former des cadres tolĂ©rants, ouverts et justes ! Les campagnes mĂ©diatiques de dĂ©nigrement dirigĂ©es Ă l’encontre d’une communautĂ© quelconque doivent faire partie de l’histoire et passibles de sanctions pĂ©nales! Quant aux causes de l’échec, il faut aller les chercher dans les diffĂ©rentes politiques d’intĂ©gration menĂ©es durant des dĂ©cennies et qui n’étaient que du bricolage ne faisant que camoufler les fossĂ©s que les media ne cessaient d’élargir entre les diffĂ©rentes communautĂ©s au lieu d’œuvrer Ă les faire disparaĂ®tre. La stigmatisation mĂ©diatique permanente des valeurs de celui qui est diffĂ©rent a donnĂ© le grand coup de pouce Ă la banalisation de la discrimination et du racisme. Revenons Ă la notion de l’échec du multiculturalisme. Qu’est-ce que cela pourrait-il signifier ? La cohabitation entre les communautĂ©s de diffĂ©rentes cultures, sensĂ©e ĂŞtre une source de richesse pour les uns et pour les autres du fait de la diversitĂ© des idĂ©es et des expĂ©riences ne parait plus ĂŞtre Ă la hauteur des espĂ©rances. Les faits marquants de cet Ă©chec sont visibles Ă l’œil nu et il ne fallait pas ĂŞtre une autoritĂ© acadĂ©mique ni un spĂ©cialiste de quelque domaine que ce soit pour les apercevoir. Les prĂ©jugĂ©s portĂ©s par chaque communautĂ© sur l’autre, les discriminations Ă l’emploi et aux Ă©tudes ne sont que certains parmi d’autres aspects de cet Ă©chec. Les injustices subies par les membres des cultures minoritaires sont en passe de rentrer dans les mĹ“urs. Il ne suffit plus d’être belge, ni de parler français, ni d’avoir des diplĂ´mes ni d’être musulman ou chrĂ©tien, ni d’être blanc ou noir. Etre francophone en rĂ©gion flamande ou ĂŞtre musulman en rĂ©gion wallonne, la discrimination est toujours au rendez-vous. Aujourd’hui, par exemple, la fille au foulard pourrait-elle aspirer Ă des Ă©tudes sĂ©rieuses ou Ă un emploi de qualitĂ© ? Lui reste t-il, encore, l’une ou l’autre porte non verrouillĂ©e pouvant lui donner l’espoir d’un certain avenir? Les lois d’exception Ă son Ă©gard l’ont privĂ©e de ses droits les plus Ă©lĂ©mentaires. De telles injustices qui, malheureusement, sont loin d’être des actes isolĂ©s, ne pourraient en aucun cas favoriser l’entente et le vivre ensemble. La marginalisation de l’autre et son rejet ne pourront mener qu’à la haine et au cloisonnement, loin de toute notion de multiculturalitĂ©. Les multiples dĂ©bats au sujet de « l’identitĂ© française » ou de sa version belge « l’identitĂ© wallonne » ne pourraient que s’inscrire dans le cadre d’un retour en arrière vers la ghettoĂŻsation de notre sociĂ©tĂ© après les multiples dĂ©marches destinĂ©es Ă l’abolition des barrières et des murs de haine que l’humanitĂ© avait connus Ă des Ă©poques très peu glorieuses de son histoire. Jean Monnet et Robert Schuman, les pères des « Etats Unis d’Europe » avaient-ils imaginĂ© ce que leurs hĂ©ritiers allaient faire de leur projet ambitieux de l’union pour la force ? Avaient-ils pensĂ© que les pays fondateurs de cette union, dont rĂŞvent beaucoup de nations, allaient imploser sous l’effet de l’intolĂ©rance culturelle ? Les intĂ©rĂŞts communs qui Ă©taient jadis les moteurs de l’ouverture et de la solidaritĂ©, se retrouvent aujourd’hui relĂ©guĂ©s au second plan et par suite menacĂ©s par le règne des nouveaux intĂ©grismes socio-culturels. Enfin, nous ne pouvons que nous rĂ©jouir de la place importante que ce rapport rĂ©serve Ă l’enseignement en vue de parier Ă la dĂ©gradation de la qualitĂ© de la cohabitation entre les communautĂ©s de cultures diffĂ©rentes. En effet, c’est par l’école que l’essentiel de l’éducation Ă la citoyennetĂ© est dispensĂ© aux femmes et aux hommes de demain. Pour lire le rapport des Assises de l'InterculturalitĂ©, cliquez sur : http://www.interculturalite.be/IMG/pdf/INTERCULT_2010-FR.pdf Auteur : Mohammed Said Ne soyez pas passif, réagissez ŕ cet article, en ajoutant votre commentaire Copyright © CSMB 2010 |