Pratiques obscures dans notre enseignement supérieur (1ère partie)

Date de publication : 29-12-2011  

Les filles voilées persona non grata

Dans notre précédent article, « la débâcle de nos médias », nous avions tiré la sonnette d’alarme à propos des multiples souffrances qu’endurent les filles portant le foulard, qui cherchent à se frayer un chemin vers la réussite et la construction de leur avenir. Celles-ci deviennent la cible privilégiée, facile et juteuse des campagnes électorales des partis politiques cherchant à grignoter quelques voix à l’électorat de l’Extrême droite tout en se voilant d’un voile « démocratique » prétendant la protection des droits des femmes et de leur liberté !

La non reconnaissance de leurs droits devient aussi un gage de promotion ou de maintien à des postes non mérités. Quant à ceux qui osent leur reconnaître ou, pire encore, leur revendiquer le droit à un traitement juste et non discriminatoire, ne pourraient mériter autre chose que l’acharnement médiatique, le harcèlement, l’intimidation voire les poursuites pour des délits montés de toute pièce.

D’ailleurs, c’est dans le cadre d’un pareil acharnement que, lors de son émission hebdomadaire « question à la une », la RTBF a rediffusé, ce mercredi 25 janvier, 2 ans presque jour pour jour depuis la première diffusion, le reportage relatif au port du foulard dans les établissements scolaires. Pourrons-nous nous attendre à un second round de la pièce théâtrale qui a suivi la première diffusion, avant même que le premier n'ait pris fin ? Pas mal de signaux virent au vert laissant entrevoir cette éventualité.

En tous cas, les nombreux obstacles que rencontrent ces jeunes filles et jeunes femmes dans les différents domaines de leur vie dans notre pays et qui, dans la plupart du temps, sont dressés ou soutenus par nos institutions officielles, ne peuvent que remettre en question la notion de « l’égalité des chances » et peut-être même celle du respect « des droits de l’homme » ou des « droits des minorités », dans un pays démocratique et signataire de la déclaration universelle des droits de l’homme, qu’est le notre.

Le contraste flagrant, entre leurs bonnes performances durant les études secondaires - chiffres à l’appui- et leurs échecs répétés au supérieur, avait déjà attiré notre attention, il y a déjà des années. Néanmoins, le phénomène s’est accentué, ces dernières années notamment avec les hostilités déclarées de nos autorités et l’impunité des auteurs des discriminations.

Curieusement, ce fait inquiétant n’a jusqu’ici fait l’objet d’aucune étude et attiré l’attention d’aucun de nos chercheurs, spécialisés, notamment dans l’échec scolaire ou les discriminations. Et pourtant ces cas ne sont pas d’une rareté qu’on pourrait les négliger. Les plaintes fréquentes et les cris de détresse que ces étudiantes adressent aux différents services et qui ne rencontrent, malheureusement, aucun écho, ni de la part de nos médias ni de celle de nos responsables, éloignent toute perspective de hasard, d’accumulation de malchance ou de manque de performances ou de motivation pour les études supérieures qu’on serait tenté de jeter sur ces étudiantes.

Ceci nous amène à nous interroger sur les raisons de ce mutisme assourdissant. Y a-t-il une volonté délibérée d’occulter ce fait alarmant vu que ses victimes ne sont que des personnes non grata dans notre société ? Qu’en penser si la plupart de ses victimes sont des citoyennes belges nées et éduquées en Belgique ?

Le cas qui nous est exposé ci-dessous est très préoccupant. Il appelle à votre réaction. N’hésitez pas à la partager !

Une étudiante motivée et ambitieuse

Soumaya est une jeune étudiante belge, née en Belgique et musulmane. Elle porte le foulard dès sa première année secondaire. Dès son très jeune âge, elle rêvait de faire architecte. Elle a mené d’excellentes études depuis sa première primaire jusqu’à la fin du secondaire, période durant laquelle elle avait rarement cédé sa place de meilleure élève de la classe. Elle termine sa rhéto avec le prix d’excellence en Math. Ci-contre, son bulletin de rhéto :



Bulletin de Rhéto (6ème année secondaire)
de Soumaya.


L’accès aux études supérieures

Soumaya émet le souhait de s’inscrire dans l’un des instituts d’architecture liégeois. Avant l’inscription, elle s’assure, auprès des responsables, que le foulard ne pose pas de problème au sein de l’institut. Toute contente de voir son rêve sur la voie de réalisation, elle s’inscrit en 1ère année. Malgré les difficultés d’adaptation au nouveau régime des études supérieures, elle réussit son année, avec un petit échec en histoire de l’architecture.



Bulletin de 1ère Année Architecture
de Soumaya.


Elle réussit, de nouveau, sa 2ème année, malgré deux petits échecs de 1 point chacun.



Bulletin de 2ème Année Architecture
de Soumaya.


Que s’est-il passé en 3ème année ?

La 3ème année, l’année de la délivrance du grade de Bachelier, tout bloque. Elle est déclarée ajournée en juin pour deux cours :



Bulletin de Soumaya en 3ème Année Architecture
(juin 2009)


Elle repasse les deux cours en septembre, elle est déclarée, de nouveau, ajournée avec un échec beaucoup plus prononcé dans les 2 cours. Elle double alors la 3ème année, avec beaucoup de dispenses (les cours où elle avait eu 12/20 ou plus).



Bulletin de Soumaya en 3ème Année Architecture
(septembre 2009)


En étant doublante et avec un horaire allégé, elle ne réussit pas son année non plus, mais cette fois-ci pour échec au cours le plus important de la formation, à savoir : le projet d’architecture.



Bulletin de Soumaya en 3ème Année Architecture
(juin 2010)


Après une action en justice, elle est admise à tripler. Elle refait, sa 3ème année pour la troisième fois. Malgré tous ses efforts soutenus par son optimisme, elle ne réussit pas non plus et ainsi cinq années d’architecture sont parties en fumée.


Bulletin de Soumaya en 3ème Année Architecture
(juin 2011)


Est-ce un excès de malchance qui est tombé sur Soumaya après un parcours sans faute ? Cette affaire est parsemée de beaucoup de zones d’ombre qui excluent totalement le fait du hasard.

Des faits troublants

  1. A deux reprises, en juin 2009 et septembre 2009, des erreurs d’encodage des points sont constatées et corrigées : 1.2/20 au lieu de 12/20 en stage et 7/20 au lieu de 9/20 en urbanisme et aménagement du territoire.

  2. Dans les 2 cours que Soumaya a repassés en septembre 2009, l’échec a été plus prononcé que lors de la première session sans que l’étudiante ne l’aperçoive au moment de l’examen. D’ailleurs, c’est ce qui l’avait amenée à demander une révision de ses cotes de peur qu’il y ait eu une erreur matérielle comme il y avait eu auparavant.



    Cette lettre a été très mal perçue par le directeur, qui est en fait l’un des professeurs concernés, celui de l’urbanisme et l’aménagement du territoire. Lors d’une rencontre avec l’étudiante et son père, le directeur n’a pu rien montrer de concret, vu que l’examen était oral. Il n’a fait qu’insister sur son incompétence présumée et il lui a même évoqué d’envisager de choisir un autre domaine que l’architecture. Quant à l’examen d’histoire de l’architecture, l’étudiante a tenté, en vain d’obtenir un rendez-vous afin de consulter son examen. Le professeur titulaire était en voyage, le jour prévu pour la consultation des examens.

  3. Le bulletin de septembre 2009 mentionne le refus de Soumaya, mais qu’elle pouvait solliciter, auprès du Conseil Pédagogique, l’application des dispositions de l’article 9



Que prévoit cet article 9 ? La possibilité pour l’étudiant d’obtenir l’autorisation de suivre les cours de l’année supérieure, tout en repassant les cours où il a eu échec avant le mois de février.



Extrait de l’A.R. du 22/02/1984 portant règlement général des études
dans l'enseignement supérieur de type long et de plein exercice.


Lors d’une rencontre entre le directeur, l’étudiante et son père, le premier avait clairement fait allusion au fait qu’il ne fallait pas compter sur cette possibilité, en mentionnant que celle-ci n’est pas un droit pour l’étudiant mais une faveur.

La demande a été introduite, mais comme attendu, la réponse a été le refus.



Hostilité déclarée

Vu qu’elle avait plusieurs dispenses, Soumaya disposait de beaucoup de temps. Elle décide alors de suivre certains cours de 4ème année afin d’alléger la charge pour l’année suivante. L’un de ses professeurs, celui du cours le plus important de la section, à savoir celui de projet d’architecture, trouve en cette démarche un alibi pour déclarer ses hostilités à son égard. Leur rencontre est devenue infernale. Le professeur ne supportait pas que son étudiante qui double la 3ème année suive d’autres cours de 4ème, malgré qu’elle ait été autorisée. Le harcèlement est devenu continu et en présence de tout le groupe.

Lors de la présentation du premier projet (il y en a deux durant toute l’année) devant le jury composé du professeur et de l’un de ses collègues, Soumaya s’en sort avec un 3/10, une cote qu’elle n’avait jamais eue, même en suivant le cours pour la première fois.

Le blocage étant devenu trop clair, le père dépose plainte auprès du ministre de l’enseignement supérieur pour discrimination, où il met en cause le professeur et le directeur de l'institut.

La suite, prochainement, dans la partie 2.

Auteur : Mohammed Said


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